Témoignage bouleversant d'une jeune intervenante scolaire à bout de souffle
Partager sur Facebook"Elle désire accompagner nos enfants du mieux qu'elle peut"
Par Nathalie Tremblay
Voici la publication d'une intervenante en milieu scolaire publiée sur sa page Facebook. Déja à bout de souffle alors qu'elle débute dans le métier, elle explique sa réalité quotidienne et celle vécue par des milliers d'autres à travers ce témoignage bouleversant.
"Deux choses importantes à retenir de cette photo : le sourire d'une éducatrice spécialisée passionnée, et mon choix de vêtement pour ma photo scolaire… Je suis jeune, j'ai encore la flamme pour bien accompagner vos enfants à l'école, mais dans les conditions actuelles, j'ai l'impression que ma flamme risque de s'éteindre rapidement au fil des années… Et combien ont déjà quitté le navire? Y penser me met une boule dans la gorge. Je pense à mes enfants... Je leur souhaite juste d'avoir encore des enseignants qualifiés et passionnés pour leur donner envie d'apprendre et de rester à l'école.
Nous sommes dans un point tournant en éducation parce que le système scolaire est désuet, arriéré. Ce n'est plus à jour avec les problématiques des élèves qu'on connaît aujourd'hui. Les enseignants retraités ne cognent pas à nos portes pour venir remplacer malgré la pénurie parce que notre réalité n'est pas attrayante. Les étudiants en enseignement aussi font le saut quand ils arrivent en stage… J'en connais autour de moi qui ont changé de branche après leur premier stage…
Les élèves arrivent aujourd'hui avec leur lot de défis. J'ai beau essayer de les accompagner du mieux que je peux, avec toute l'amour que j'ai à leur donner, mais j'aimerais quand même avoir des formations supplémentaires, des mises à jour pour mieux comprendre les problématiques d'aujourd'hui. Parlant de problématique, malgré toute ma bonne volonté à vouloir comprendre et accompagner un enfant dans sa gestion des émotions, un enfant qui me frappe me fait remettre en question mon choix de carrière et me questionne sur le temps que j'ai vais toffer… Je n'ai pas choisi ce métier en sachant que j'allais vivre autant de violence à mon égard. Il y a des années moins pire, on se renforcit avec le temps... Mais derrière ces comportements violents, il y a des petits enfants qui souffrent, et qu'on arrive pas à aider parce qu'il manque de ressources dans nos écoles… J'ai beau être une TES passionnée, je ne suis pas psychologue non plus. La crise, je vais la gérer et lui donner les moyens nécessaires pour s'apaiser, mais à long terme, cet enfant a besoin d'une aide psychologique pour apprendre à se réguler.
À notre école, on est 3 TES pour 340 élèves. On a pas à se plaindre je te jure… Mais dans notre réalité, on reçoit des rapports de neuropsy avec comme recommandations : soutien en 1 pour 1 lors des évaluations et des apprentissages.
Oui….. c'est une super idée madame la neuropsychologue, sauf que vous avez oublié de considérer qu'il y a 20 autres élèves dans la classe, dont 12 autres avec des diagnostics différents, des besoins différents comme d'aller lui relire la consigne de l'examen (et ça pour 4 autres élèves aussi), de lui nommer qu'il est dans la lune et de poursuivre pour avoir assez de temps, de réexpliquer un numéro de 3 façons différentes…! Comment je peux aider un seul élève au détriment des difficultés de tous les autres élèves? Ce dilemme, on le vit tous les jours en classe. Quand je suis appelé à l’intercom pour aller aider un coco qui vit une tempête, je ne suis pas en classe pour accompagner des élèves qui aurait besoin de soutien au niveau des apprentissages… Et après ceci, j'ai le suivi auprès des parents et de l'équipe école à faire, je ne suis donc pas encore en classe à aider la majorité! Il manque de bras pour y arriver!
Notre réalité, tu dois la vivre pour la comprendre. Combien de parents en sortie éducative nous dise : je sais pas comment vous faites…!
L'an passé, j'ai fait un remplacement d'une enseignante pendant 3 semaines. La liste de remplaçants est à zéro, on prend la TES de l'école. À ce moment, une autre TES de l'école accompagnait un élève en 1 pour 1 et l'autre TES a aussi été demandée comme enseignante pendant près d’un mois dans une autre classe. Alors plus de TES disponible dans l'école. Plus personne pour faire les gestions de crise… C'est ça la pénurie. Et moi qui doit enseigner… je pensais m'en sortir pas trop mal étant donné que je travaille dans le milieu, je vois les profs aller, j'allais relever ce beau défi avec plaisir… Oh Boy!!! Je suis tombé très vite en bas de ma chaise!!! Tu as aucune idée de la charge mentale d'un enseignant… Gestion du temps, des courriels de parents, de l'élève qui oubli d'apporter son agenda dans son sac, que chacun apprend pas à la même vitesse, bouteille d'eau renversée, quand tu veux parler au groupe : bonne chance pour avoir le silence des 22 en même temps (je te jure que ça prend un bacc avec le cours : gestion de classe)... On continue : suivre le programme pour enseigner la matière dans les bons temps, les bulletins, les corrections, les communications, les rencontres, les plans d'interventions, les rapports pour le médecin à compléter (ce dit rapport, le médecin est payé pour le remplir, mais l'enseignant, non, rien de plus, juste autre chose qui s'accumule sur sa liste de choses à faire (qui finira par apporter à la maison pour voir un peu ses enfants, mais ça doit être corrigé pour le lendemain… Pas payé pour ce temps supplémentaire… Il aurait tellement d'autres composantes que je pourrais nommer…
Mais je finissais mes journées tellement essoufflé et savez vous le pire : un enseignant remplaçant est payé juste 4 périodes même si on en fait 5. Alors c'est qui le con qui ira fera la journée complète quand on est payé le même prix que 4… Les besoins sont là pourtant, mais on veut pas les payer comme il devrait l'être.
Imaginez maintenant les tâches des enseignants… les tâches c'est leur contrat qu'ils signent… Tellement d'heures sans être payé, pour l'amour du métier? Non. Ça doit changer.
Quel métier aujourd'hui n'est pas payé pour son temps supplémentaire?
J'ai un poste de 25 heures semaine… comment veux tu que j'arrive avec mon salaire… Imagines une maman monoparentale. Pourtant, les besoins sont là… Pourquoi pas nous offrir des postes plus intéressant?
Messieurs les ministres, je suis une éducatrice passionnée, et tu as aucune idée comment je mets du cœur dans mon travail!!! Tellement que j'arrive le soir, trop souvent essoufflée. Pour la santé mentale de TOUS (les élèves, les travailleurs de l'éducation, les futurs citoyens, nos enfants, nos familles), reconnaissez que ça doit changer! Reconnaissez notre beau travail! Offrez nous de belles conditions pour maintenir la flamme de tout ceux qui sont déjà en place… Il y a tellement de gens passionnés avec qui je travaille, mais des gens qui semblent essouflés, des gens qui en peuvent plus que la situation devienne de pire en pire, année après année!
Quand je lis que des millions sont alloués pour faire venir les Kings de Los Angeles en octobre 2024 à Québec, ça me bouleverse… Je lis ça pendant notre combat actuel… c'est insultant. Il faudrait que vos enfants soient d'âges scolaires pour être touchés? C'est quand on va mettre l'éducation et la santé en priorité au Québec?
Pour le futur de nos enfants, les futurs enseignants, médecins, citoyens, policiers, offrez leur une éducation de qualité, pour un avenir en santé
Alors la semaine prochaine, je serai en grève. Merci de continuer de nous appuyer. Il faut se faire entendre Il faut raconter nos réalités… On a beau être passionné mais on est pas des robots, on tiendra pas le phare de la machine longtemps parce que c'est désuet, il faut renverser la roue. Repenser tout."
Les enseignants ont une grande responsabilité, celle de faire de nos enfants les citoyens de demain.
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