Une travailleuse sociale démissionne au Saguenay, elle est à bout de souffle
Partager sur Facebook"''Il m'est impossible de pratiquer ma profession dans ces conditions''"
Par Nathalie Tremblay
Au cours des derniers mois, nous avons beaucoup parlé du manque de soins dans les CHSLD alors que le personnel est épuisé et en nombre insuffisant. Mais à d'autres niveaux dans le réseau de la santé, les employés vivent une réalité très difficile également.
Les intervenants psychosociaux travaillent directement avec les patients pour leur apporter du soutien et les aider à cheminer positivement. Cependant, eux-aussi sont à bout de souffle. Surchargés de paperasse, liste d'attente qui n'en fini plus, charge de travail en augmentation constant; Le peu d'énergie qui leur reste est souvent insuffisant pour faire leur travail correctement ce qui les amènent à se remettre en question et même à démissionner.
C'est le cas de cette travailleuse sociale qui a démissionné cette semaine. Elle a décidé de partagé sa lettre de démission sur son compte Facebook pour faire connaître son histoire et dénoncer la réforme du réseau de la santé.
Voici ce qu'elle écrit :
« Aujourd'hui je donne ma démission du CIUSSS .....
Objet : Lettre de démission
C’est avec grand regret que je donne aujourd’hui ma démission du CLSC de Jonquière.
Malgré l’importance que j’accorde au système public et le grand dévouement avec lequel j’ai oeuvré au sein du Réseau de la santé et des services sociaux, je décide aujourd’hui de me retirer, car il m’est impossible de travailler en inadéquation avec les principes et valeurs fondamentales de ma profession de travailleuse sociale. En l’espace d’un an et demi seulement, au détriment de ma santé physique, je me suis bien vite rendu compte que la gestion actuelle est en dissonance constante avec mes valeurs, mon ordre professionnel et le bien-être de la population.
La présente réforme est catastrophique pour le système de santé et de services sociaux. Elle mine l’accessibilité, déshumanise les services et épuise les professionnelles. En tant que travailleuse sociale au sein du Réseau, j’ai réalisé l’impossibilité de mettre de l’avant les valeurs primordiales de ma profession, soit la justice sociale, la créativité, le respect de l’autonomie, du jugement clinique et éthique, la nécessité d’une pratique humaine ainsi que l’intégrité et la dignité des personnes.
Je donne ma démission aujourd’hui par respect pour ma santé et mes principes, mais aussi pour dénoncer les lacunes organisationnelles et la violence institutionnelle au sein du Réseau. Le mode de gestion mis de l’avant réduit la qualité et l’accessibilité des services à la population et par le fait même, induit une pression et un stress incommensurable sur les professionnelles.
Je dénonce les coupures budgétaires et le manque de ressources humaines et matérielles qui rendent impossible une réponse adéquate aux besoins de la population.
Je dénonce la pression d’efficience, la surcharge de travail, la priorisation d’objectifs budgétaires au détriment de la qualité des services.
Je dénonce le manque d’éthique aux plans structurel et organisationnel qui porte préjudice à la population.
Je dénonce l’individualisation des problèmes organisationnels et structurels et la standardisation des pratiques qui nie le jugement des intervenantes et sert d’outil de contrôle.
Je dénonce la rationalisation des pratiques qui nous éloigne des valeurs de l’intervention sociale et nous oblige à traiter l’humain comme un numéro.
Je dénonce une direction gouvernementale autoritaire, éloignée des réalités du terrain, un manque flagrant de reconnaissance envers les employés.
Je dénonce la charge administrative qui prend toute la place au détriment de la présence réelle auprès de l’humain, la domination du travail administratif et de la performance quantitative aux dépens des responsabilités professionnelles et du souci clinique.
Il m’est impossible de pratiquer ma profession dans ces conditions qui détruisent toute la beauté du travail social. C’est avec regret que je quitte des collègues en or, mais avec la confiance de trouver une place où je pourrai œuvrer dans ce métier pour lequel je me sens vouée, dans le respect de mes valeurs et principes.
Maude Fecteau
Travailleuse sociale
Ex-Employée Numéro 8469 »
Alors que le réseau doit jongler avec une réalité où les ressources sont insuffisantes, ne devrait-il pas plutôt s'assurer que les employés en poste ne tombent pas au combat et qu'ils travaillent dans un milieu sain et stimulant?
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